Les expressions (idiomes) et les proverbes sont aussi vieux que l’humanité. Souvent, ils permettent de transmettre de manière créative une réalité complexe, en tirant parfois des comparaisons qui semblent n’avoir aucune logique à première vue. Ils peignent des tableaux loufoques et mettent de la couleur dans notre communication au quotidien. Ils peuvent être moralisateurs ou ironiques, belliqueux ou pacifiques, ordinaires ou originaux. Mais que signifient-ils et d’où viennent-ils ? Parcourons différentes époques en commençant par la Grèce antique.
« Toucher le pactole » signifie gagner très gros. Dans la Grèce antique, le Pactole était une rivière qui se jetait dans le fleuve Hermos. Il était situé en Lydie, dans l’actuelle Turquie. Selon la légende, on y trouvait beaucoup de paillettes d’or, qui en faisaient un symbole de richesse. Il est supposé que le poète Ovide (né en 43 av. J.-C. et décédé en 17/18 apr. J.-C.) s’est inspiré de ce cours d’eau pour écrire l’histoire de Midas, le roi de Phrygie, connu pour être un éternel insatisfait. Le récit va ainsi : un jour, Dionysos, le dieu du vin, accorde un vœu à Midas pour le remercier d’avoir hébergé son père adoptif, le satyre Silène. Midas demande alors que tout ce qu’il touche se transforme en or. Un don qui vire à la véritable malédiction puisqu’il ne peut plus se nourrir... Dionysos accepte ensuite de le libérer de ce pouvoir, et lui enjoint de plonger ses mains dans le Pactole, dont les alluvions se chargent alors d’or.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, on utilise le nom de ce fleuve mythique pour désigner une grande fortune.
« Regagner ses pénates » signifie rentrer chez soi, retrouver son foyer ou, plus symboliquement, sa patrie. Cette expression vient du latin penates, qui désignait les divinités protectrices de la maison. Leur dénomination dérive quant à elle des termes penus, signifiant « garde-manger », « provisions », et penitus, signifiant « à l’intérieur ». Les Pénates, divinités romaines, veillaient sur le foyer et protégeaient le garde-manger. On leur vouait un culte domestique. L’expression « regagner ses pénates » a petit à petit changé pour désigner, par métonymie, le lieu où l’on vénérait ces divinités, à savoir la maison. Aujourd’hui, l’expression sert à exprimer le fait de rentrer chez soi, de retrouver son milieu familier, l’endroit où l’on a ses attaches.
« Battre à plate couture » est une expression française qui signifie vaincre ou battre quelqu’un de façon très nette, de manière écrasante. Cette expression trouve son origine dans la méthode de confection des vêtements au XVe siècle. À cette époque, les tissus étaient souvent raides et épais. Pour rendre les coutures et les ourlets plus souples et les aplatir, il fallait taper dessus à plusieurs reprises avec une latte. Cette opération, qui consistait à « battre à plate couture », permettait de rendre les vêtements plus confortables et plus élégants. Par la suite, cette action a été transposée au théâtre, où un tailleur frappait son client pour « aplatir » les coutures de son vêtement. Cette scène amusait beaucoup le public et le faisait rire, tant et si bien que cette expression est passée dans le langage courant, de la manière dont on l’utilise aujourd’hui, quand l’issue d’une compétition ou d’un combat ne fait aucun doute (ou, pour rester dans le thème, « ne fait pas un pli »).
« Tirer son épingle du jeu » signifie être capable de se sortir la tête haute d’une situation difficile ou éviter l’échec dans un contexte compliqué. Cette expression date de la fin du Moyen Âge, plus précisément du XVe siècle. À l’époque, il existait un jeu, pratiqué par les jeunes filles, dont le but était de récupérer, en faisant ricocher une balle contre un mur, des épingles qu’elles avaient placées en cercle. Chaque participante pouvait récupérer les épingles qui avaient été éjectées par le ballon. Le fait de « tirer son épingle du jeu » signifiait que l’on parvenait à récupérer au moins l’épingle que l’on avait apportée et que l’on ne perdait ainsi pas sa mise. Au fil du temps, l’expression a évolué et elle est passée dans le langage courant avec la signification qu’on lui connaît.
« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Cette expression, qui date du XIIe siècle, implique la notion de considération prudente et invite à ne pas risquer de perdre ce que l’on a déjà en voulant avoir davantage. Elle reflète l’idée qu’il vaut mieux opter pour quelque chose que l’on peut obtenir immédiatement plutôt que pour quelque chose de plus de valeur, mais que l’on n’est pas sûr d’obtenir plus tard. Et a-t-elle un équivalent en anglais ? Oui ! Au Royaume-Uni, on dira dans cette situation : « A bird in the hand is worth two in the bush » (mieux vaut un oiseau dans la main que deux dans le buisson). Quand on dit en anglais que quelque chose arrive « out of the blue », cela signifie qu’il s’agit d’un événement complètement inattendu. En français, on dira « un coup de tonnerre dans un ciel bleu ». Il est rare que les traductrices et traducteurs trouvent une correspondance aussi parfaite pour des expressions, car elles sont souvent très connotées d’un point de vue culturel et parfois aussi régional. Trouver l’équivalence parfaite relève souvent du casse-tête ! À propos d’expressions régionales...
De même, l’expression « être sur le balan », utilisée en Suisse romande, signifie hésiter, tergiverser. Cette expression n’est pas du tout utilisée en France. Chez nos voisins, on utilisera plutôt « ne pas savoir sur quel pied danser » ou, plus familièrement, « avoir le cul entre deux chaises ».
« Se regarder en chiens de faïence » désigne pour deux personnes le fait de ne pas s’apprécier et de se toiser mutuellement avec mépris et défiance. Comme un bon nombre d’expressions parmi les plus créatives, elle se rapporte à nos amis à quatre pattes ou à leurs caractéristiques. À plumes ou à poils, les animaux ont la vedette quand on souhaite parler de manière imagée.
« Faire entrer le loup dans la bergerie » exploite elle aussi l’imagerie animale. On se représente sans peine la signification de cette expression, à savoir laisser une personne mal intentionnée intégrer un cercle au sein duquel elle pourra faire des dégâts. De même, on peut « pleurer des larmes de crocodile », « avoir mangé du lion » ou « crier au loup », si l’on veut rester dans le registre des bêtes féroces. Tout comme on peut dire qu’« une hirondelle ne fait pas le printemps » ou qu’une personne est « têtue comme une mule ». De même, on peut « avoir un chat dans la gorge » quand on a pris froid ou qu’on a trop chanté, ou essayer de « se tailler la part du lion » quand on cherche à en avoir davantage que les autres. Les poules n’auront jamais de dents. Mais si un jour elles en avaient, des miracles pourraient se produire. Et parfois « il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors ». Alors, quand il pleut des cordes, on dira en Angleterre ou aux États-Unis : « It’s raining cats and dogs ». Vraiment ? Cette information risquera de vous faire « rire comme des baleines ».
Quoi de neuf avec les expressions ? La langue est vivante. C’est pourquoi les expressions ne cessent de se développer et chaque génération en ajoute de nouvelles au répertoire. Alors, quoi de neuf du côté des expressions ? Depuis l’avènement du cinéma et des médias télévisuels, on peut être « sous le feu des projecteurs » quand on est mis·e en avant. Et on peut dire « Arrête ton cinéma » dès lors que quelqu’un exagère. Si vous ne savez pas ce que veut dire « FOMO » ou « YOLO », alors vous n’appartenez pas à la génération Z. On pourrait presque dire que vous en perdez votre latin.
Vous avez des questions ou vous êtes intéressé·e par une collaboration ?

Les thèmes suivants pourraient également vous intéresser :
Souhaitez-vous recevoir régulièrement des informations sur Apostroph et ses nouveaux projets clients ?
Dans notre newsletter, nous vous surprenons avec des articles aussi instructifs que divertissants. Nous serions ravi·e·s de vous compter parmi les 20 000 abonné·e·s de notre newsletter.