Avez-vous été surpris lorsqu’OpenAI a présenté ChatGPT en novembre, alors que ce logiciel semblait sorti de nulle part ?
La création d’un tel logiciel n’était qu’une question de temps. On aurait même pu s’attendre à ce que cela se produise plus tôt, sachant que la linguistique informatique, c’est-à-dire la discipline à l’interface entre ces deux domaines, existe déjà depuis les années 50.
Le chatbot génère des textes de toutes sortes dans les principales langues, exactement comme votre entreprise. Est-ce préoccupant pour vous ?
Apostroph Group entretient une relation de longue date avec l’intelligence artificielle, et celle-ci a porté ses fruits. Cela fait des années que nous l’avons intégrée à nos processus de travail, là où cela se révélait pertinent. Et nous pouvons, au besoin, l’implémenter dans l’entièreté de notre chaîne de services. Nos expert·e·s en langues et développeur·euse·s de logiciels se penchent depuis plus de deux ans sur le sujet du deep learning (ou apprentissage profond). Et, depuis l’été passé, ils planchent aussi intensément sur un outil de génération de texte basé sur la technologie GPT-3. Cette évolution n’est donc absolument pas préoccupante mais captivante et fascinante. Au quatrième trimestre 2022, nous avons lancé une version bêta de notre apoWRITER sur le marché. Nous disposons donc de notre propre générateur de texte basé sur l’IA et doté de fonctionnalités spécifiques au client.
En matière de génération de texte, peut-on déclarer qu’il s’agit d’un bond en avant dont l’impulsion a été donnée par l’IA ?
Je dirais que oui. Mais nous avions déjà une base à notre disposition, le deep learning, que nous connaissions très bien de par son utilisation dans le domaine de la traduction. Au cours de ces dernières années, le deep learning a été à la source d’outils destinés à la traduction automatique neuronale (TAN) qui se sont sans cesse améliorés. L’homme et la machine travaillent main dans la main.
Et quel est le lien avec ChatGPT ?
Le deep learning joue aussi un rôle capital dans ce cadre. Pour générer une réponse, ChatGPT s’appuie sur ses données d’entraînement et sur son architecture réseau neuronale entraînée, desquelles il extrait les informations pertinentes. Étant donné que les algorithmes suivent des schémas de communication humains, ChatGPT arrive à imiter une manière de s’exprimer nous semblant humaine elle aussi. Le sigle GPT correspond à « generative pre-trained transformer », soit « transformateur génératif pré-entraîné ». Le logiciel s’entraîne donc à comprendre le langage, sur lequel il se base ensuite pour rédiger de nouveaux textes.
Quelle est la qualité des résultats selon vous ?
Un petit nombre de sortes de texte présente aujourd’hui un potentiel à court terme de gain d’efficacité. En fonction des consignes données, les résultats obtenus peuvent être bons, décents ou complètement absurdes. Mais, tôt ou tard, des améliorations seront également réalisées dans cette dernière catégorie. Car, après tout, apprendre est ce que l’IA fait de mieux. Nous nous attendons à un développement similaire à celui de l’IA pour la traduction. Même si celle-ci a fait d’énormes progrès, elle doit toujours être accompagnée d’une post-édition, d’une révision ultérieure. Selon le type de texte, cela peut prendre plus ou moins de temps. Nous sommes impatients de voir ce que les autres prestataires vont accomplir, ou encore Google avec Bard. Il ne reste plus qu’à espérer que la concurrence livrée dans ce domaine constituera une motivation pour améliorer la qualité des résultats. ChatGPT en est au stade expérimental. Sam Altman, le président d’OpenAI, l’a dit lui-même à propos de la sortie de GPT-4 : « Les gens ne demandent qu’à être déçus, et ils le seront. »
Vos équipes de linguistes ne doivent donc pas craindre de perdre leur travail dans un proche avenir ?
Absolument pas. Le besoin de contenus multilingues augmente rapidement depuis deux décennies, reflet de l’évolution de la mise en réseau numérique mondiale. Sans l’IA, cela ferait longtemps que le monde entier ne serait plus à même d’assurer la préparation dans les délais de textes plurilingues. De plus, la demande en contenus destinés à la communication marketing et d’entreprise prend elle aussi de l’ampleur. Le métier de nos linguistes a beaucoup changé depuis qu’homme et machine ont commencé à collaborer. Connaître la langue ne suffit plus, il est de plus en plus important d’avoir également une expertise technique ainsi que des compétences en matière de relecture. Prenons par exemple le rapport de gestion. À moyen terme, même la meilleure machine ne sera pas en mesure d’atteindre la précision linguistique requise ni de respecter les exigences réglementaires et juridiques ainsi que la terminologie. Sans parler de le faire dans plusieurs langues... À cela s’ajoute la sécurité des données. Il paraît impensable que les entreprises remettent leurs données financières à un logiciel accessible mondialement dans le simple but de générer un texte. Autre obstacle : les règles spécifiques à une entreprise, qui forment son Corporate Language. Je pense qu’il faudra encore attendre plusieurs années avant qu’une IA puisse démontrer seule l’ensemble de ces compétences tout en adoptant un langage équilibré et en atteignant précisément les objectifs de communication souhaités.
Nous devons donc continuer d’avoir l’IA à l’œil.
Absolument. Nos expert·e·s en langues analysent les textes produits par la machine sur le plan linguistique et stylistique mais aussi du contenu. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons assurer la qualité.
Cela nuira-t-il à l’avenir à la valeur de la belle langue ?
Pas dans les cas où la confiance est la clé, comme pour la communication d’entreprise. Au contraire, la belle langue associée à du contenu convaincant et de haute qualité gagnera encore en importance.
Quels sont les désavantages d’une IA comme ChatGPT ?
Nous avons pu constater que ChatGPT donne souvent des réponses incorrectes ou imprécises aux questions complexes. À titre d’exemple, dans un contexte scientifique, le chatbot indique des sources dont l’origine n’est pas vérifiable. Cela devrait donner du grain à moudre à ses créateurs. En ce qui concerne les textes créatifs pour le marketing, on tombe parfois sur des résultats déconcertants mais, dans l’ensemble, plutôt amusants.
Où se situe le problème ?
Dans la communication marketing, comme chacun sait, les textes doivent provoquer des émotions. C’est là que les choses se complexifient. Être capable de susciter l’émotion ou d’amener à l’action souhaitées autour d’un produit ou d’un service de manière immédiate et ciblée relève du grand art. Pour y arriver, on a besoin d’une intelligence émotionnelle et sociale et de connaissances précises sur le groupe cible. Il s’agit également de savoir comment un élément va être compris et reçu. Un point important à prendre en compte est la spécificité régionale. Nos expert·e·s en langues, qui travaillent dans leur langue maternelle, et en particulier les rédacteur·trice·s de notre équipe Creative savent quels sont les jeux de mots et tournures qui fonctionnent ou non dans une région. Dans le domaine du langage créatif et de la traduction, on parle alors de localisation. Cela dépasse les compétences de l’IA. Nous ne savons pas si elle acquerra un jour ce savoir-faire, et, si oui, quand. Mais pour l’instant, le chemin est encore long.
Serait-il possible pour le chatbot de générer un texte conforme au SEO qui atteindrait rapidement le haut des classements ?
Le critère pour y parvenir est de proposer des contenus de grande qualité, offrant des informations en guise de plus-value. Google identifie les contenus conçus spécifiquement pour les moteurs de recherche. Cette approche va à l’encontre de ses directives. Peu importe que le texte ait été rédigé par une machine ou un humain, l’essentiel pour Google est que le contenu soit d’abord utile aux personnes.
Comment pensez-vous que l’IA linguistique puisse être intégrée à la communication d’entreprise ?
C’est une question que se posent beaucoup d’entreprises. Nous envisageons de nombreuses possibilités passionnantes de mise en place d’outils linguistiques et de communication basés sur l’IA pour notre clientèle. Implémenter une IA de manière efficace dans les technologies de l’information et de la communication demande de disposer de ressources. Nous pouvons aider à comprendre les processus internes et à intégrer l’IA de manière judicieuse afin qu’ils deviennent de précieux alliés.
Bond en avant, révolution, objet de hype ? De quoi devons-nous à présent qualifier ChatGPT ?
Les géants de la technologie se concentraient auparavant sur la collecte de données. Il s’agit à présent d’exploiter ces données de la manière la plus utile possible. Avec ChatGPT, OpenAI a ouvert une petite fenêtre par laquelle le monde regarde et s’émerveille. Nous pouvons toutes et tous voir comment nos données sont exploitées. Nous n’avons pas fini de nous émerveiller.
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