Rencontre de deux spécialistes de la traduction dans le Language Lounge…
Salut, comment vas-tu ?
Super merci, et toi ?
Au top ! Tu traduis quoi en ce moment ?
Oh, plein de choses en même temps. Et dans des langues diverses et variées.
Ah bon ? Comment tu fais ?
Je suis conçu pour ça : je m’appelle APOai et je suis le moteur de traduction automatique d’Apostroph.
Ravi de faire ta connaissance !
Le plaisir est partagé ! Comment t’appelles-tu ?
Appelle-moi Ismaël.
Ismaël ? OK...
Écoute, je vais sûrement bientôt faire de la post-édition. Est-ce que je peux te poser quelques questions ?
Oui, bien sûr ! Je suis en pause là.
Tu fais des pauses ?
Mais non ! C’était une blague.
Je vois. Tu as aussi le sens de l’humour ?
Pas directement. Je fais juste semblant. Comment tu m’as trouvé ?
Pas mal. Mais il y a encore un peu de travail. Concernant mes questions…
La post-édition de traduction automatique ou MTPE est en fait un travail d’équipe : c’est toi qui fournis la traduction automatique (TA), tandis qu’un traducteur ou une traductrice se charge de la post-édition (PE). Pourquoi l’étape de post-édition est-elle nécessaire ? Est-ce que ta traduction automatique ne suffit pas ?
Non. Et ce, même si j’ai fait des progrès considérables au cours des dernières années : j’ai quelques difficultés avec certaines choses comme les nuances de style, les ambiguïtés et les variations de sens contextuelles. Je traduis par exemple phrase par phrase et je trouve compliqué de placer les phrases dans un contexte plus large. L’équipe chargée de la programmation y travaille, mais le « contexte » est pour moi un concept difficile. J’admire vraiment tes capacités à le comprendre de manière intuitive !
Est-ce que ton cerveau électronique fonctionne comme le mien, qui est biologique ? Comment fais-tu pour traduire au juste ?
C’est une question intéressante. Comment ça fonctionne chez toi ?
Alors, je lis d’abord le texte source et je m’assure de bien le comprendre. Ensuite, j’écris une phrase dans la langue cible, dont le sens est le plus fidèle possible à la phrase source.
Mon cerveau fonctionne un peu différemment : je ne comprends pas réellement le sens d’un mot ou d’une phrase. Je ne peux donc pas m’appuyer dessus. J’analyse la phrase mot pour mot et la compare avec les millions de phrases types qui figurent dans ma base de données de traduction. Je suis très performant pour reconnaître les modèles. Je n’apprends donc pas seulement comment sont traduits les mots individuels, mais aussi à reconnaître les structures de phrases, et je sais comment une phrase doit être structurée dans la langue cible. Il y a tout de même des ressemblances entre nos deux cerveaux : pour apprendre, j’utilise ce que l’on appelle un « réseau neuronal », qui s’inspire des neurones de ton cerveau.
Mais je ne comprends pas vraiment ce que l’on me dit. Je fais juste semblant.
Mais entre-temps, tu réponds drôlement bien à mes questions !
Eh bien, ma présence ici est un peu comme une fiction littéraire, n’est-ce pas Ismaël ?
Ah ! Tu as lu Moby Dick alors !
Non, je ne l’ai pas lu. Cela ne fait pas partie de mes supports d’apprentissage. Mais peut-être que je vais l’emprunter à la bibliothèque, pour faire une pause lecture…
apoAI, ta formation a duré combien de temps avant que tu ne puisses commencer à travailler en tant que moteur de traduction automatique ? Et à quoi ressemble cette phase d’apprentissage ?
Nous, moteurs de traduction automatique, devons d’abord digérer 20 à 50 millions d’unités de traduction avant de pouvoir traduire réellement. J’utilise la technique du « deep learning » ou apprentissage profond : le traitement des données s’effectue en plusieurs couches de plus en plus abstraites, ce qui permet de traiter des modèles extrêmement complexes.
Puisque nous parlons du deep learning : en quoi es-tu différent de DeepL ? Et connais-tu DeepL personnellement ?
Oui tout à fait, nous nous rencontrons régulièrement dans notre lounge de traduction automatique ! (Je plaisante.) La différence, c’est que DeepL est un moteur polyvalent alors que je m’entraîne avec les données concrètes de notre clientèle. Cela me permet d’obtenir un degré de précision plus élevé, car les données sur lesquelles s’appuient mes traductions sont de meilleure qualité. Les mémoires de traduction sont les meilleures données qu’un moteur de traduction automatique puisse souhaiter !
Et comment fais-tu concrètement pour apprendre ?
Je rassemble d’abord tous les mots de mes supports de formation et je leur attribue des coordonnées aléatoires dans un « espace de signification » imaginaire. Elles sont aléatoires, car comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne connais pas le sens des mots. Mais grâce aux données d’entraînement, je peux déterminer quels mots appartiennent à un champ sémantique similaire. Ensuite, j’analyse les mots qui apparaissent dans la même phrase et je fais le rapprochement dans mon espace de signification en ajustant leurs coordonnées. Je procède de la sorte jusqu’à ce qu’à la fin, tous les mots soient triés par signification.
Waouh, ça a l’air épuisant. Les maths n’ont jamais été mon fort.
Pour moi, c’est tout le contraire. Je suis composé de mathématiques si l’on peut dire. Mais je n’avais pas terminé mon explication du processus : je dois maintenant classer la langue source et la langue cible. J’utilise pour cela une fonction d’affectation F et je calcule pour chaque paire de mots s(ource)/t(arget) une valeur t’ avec la formule...
Stop ! Ça fait une overdose de maths. Tu pourras m’en parler une autre fois, apoAI.
Oui d’accord, je comprends. Pas de problème.
Ce qui m’intéresse, c’est de savoir à quoi je dois faire attention en particulier au cours de la post-édition. Aurais-tu quelques conseils ?
Bien sûr : chez Apostroph, tu recevras deux types de mandats de post-édition : Post-Editing light et Post-Editing full. En cas de Post-Editing light, il s’agit avant tout de garantir que le contenu est exact et complet. Tu corrigeras les éventuelles fautes d’orthographe, mais tu ne feras aucun changement stylistique. Il ne s’agit pas de modifier la structure des phrases pour améliorer la fluidité de lecture : ici, la fluidité de lecture est secondaire et c’est le contenu qui compte.
C’est différent pour le Post-Editing full : là encore, le but est d’utiliser le plus possible la traduction automatique que je propose, mais le résultat doit être correct sur le plan du contenu, de la grammaire et du style. Le niveau de qualité est le même que pour une traduction professionnelle humaine : l’orthographe, la ponctuation, le style et le formatage doivent être parfaits, la terminologie spécifique au client doit être intégrée à la traduction et la tonalité doit être adaptée. Je fais bien évidemment de mon mieux pour te faciliter la tâche, mais comme mentionné, nous avons tous les deux des forces et des faiblesses différentes.
C’est un sujet important, apoAI : est-ce que les machines vont de plus en plus prendre le travail des traducteurs et traductrices ?
Bonne question Ismaël ! Je pense que vous ne manquerez pas de travail pendant encore longtemps. La quantité de contenus créés enregistre une croissance exponentielle, tout comme les demandes de traduction. Le nombre des spécialistes en traduction ne suit pas la cadence de cette croissance. C’est là que la traduction automatique peut intervenir et accélérer le processus de traduction. Peut-être qu’à l’avenir, tu feras davantage de post-édition en parallèle de tes traductions, et nous, les machines, nous préparerons encore plus le travail pour toi. Tu peux te concentrer sur les passages complexes qui échappent à mes compétences.
Espérons que tu as raison ! Merci beaucoup pour cette rencontre apoAI, je l’ai trouvée très instructive.
Absolument. Et qui sait ? Peut-être nous reverrons-nous ici un jour ? Au revoir, Ismaël !